Portrait de Suda 51

Portrait du créateur de jeu vidéo Goichi Suda, dit Suda 51 (en Japonais le nombre 51 peut se prononcer « go-ichi »). A la tête du studio de développement de Grasshopper Manufacture, Suda 51 impulse une politique éditoriale à la fois originale, audacieuse et mature, comme en témoigne ses célèbres créations : Killer7, No More Heroes 1 et 2, et Shadows of the Damned, développé en collaboration avec Shinji Mikami (Resident Evil).

Suda 51 est né le 2 janvier 1968. Il débute sa vie professionnelle dans des jobs précaires à mi-temps qui n’ont rien à voir avec le jeu vidéo. A l’instar de Jonathan Davis (chanteur du groupe Korn), Suda 51 est confronté très tôt à la mort, le premier travaillant à la morgue, le deuxième dans une entreprise de pompes funèbres.

Les débuts difficiles d’un passioné d’arcade et de catch

S’accommodant mal de son rôle de croque-mort, Suda 51 plaque tout à la vue de l’annonce d’embauche du studio de jeu vidéo Human Entertainment, célèbre pour son jeu de catch Fire Pro Wrestling (Super NES, 1991). Etant à la fois fan de jeu d’arcade et de catch, Suda 51 place tous ses espoirs dans des lettres de motivation qu’il envoie avec détermination : « J’étais persuadé de pouvoir créer des jeux de catch avec mes connaissances sur le sujet ». Pas de réponse pendant environ deux mois. Puis, un miracle : lorsqu’il n’y croyait plus, le studio lui propose un poste fixe !

catch

L’apprentissage de Suda 51 chez Human Entertainment

Suda 51 n’ayant reçu aucune formation coïncidant avec la programmation, il débute en tant que scénariste pour Super Fire ProWrestling 3 : Final Bout (Super NES, 1993). Suda 51 jubile et enchaine les jeux de catch : Super Fire Pro Wrestling Special (Super NES, 1994). Sa personnalité transpire progressivement dans les jeux avec la mise en avant de sa discipline préférée, la lucha libre (catch mexicain), et le suicide du héros de Super Fire Pro Wrestling Special. Les jeux connaissent un certain succès au Japon, mais pas assez pour les exporter aux Etats-Unis.

Human Entertainment évolue et Suda 51 s’attaque à la première PlayStation en réalisant la trilogie Syndrome de 1996 à 1997. La série met en scène des lycéennes japonaises luttant pour leur survie. Syndrome tient plus du livre interactif, tels les Visual/Sound Novel, que du jeu d’aventure tellement il y a de textes à lire. Resident Evil (PlayStation, 1995) fit un tel carton commercial sur PS1 qu’il éclipsa complètement Syndrome. Pourtant doté d’un scénario et d’une ambiance bien meilleurs, Syndrome connut successivement trois fois l’échec. Les finances d’Human Entertainment sont au plus mal après avoir produit cette trilogie ambitieuse, et le studio finit par couler. Suda 51 en ressort mitigé. D’une part, il est amer de proposer des œuvres complexes qui n’obtiennent pas la reconnaissance du public escompté. Il commence à saisir l’importance de la prise de risque et de ses conséquences humaines et financières. D’autre part, il sort grandi de ses cinq années d’expérience chez Human Entertainment : il est à présent capable de voler de ses propres ailes dans le monde du jeu vidéo.

Suda 51 fonde Grasshopper Manufacture

The Silver Case et Flower, Sun, and Rain : deux jeux vidéo incompris ?

En 1998, Suda 51 fonde son propre studio avec des amis, Grasshopper Manufacture (la fabrique de sauterelles). Le premier jeu personnel de Suda 51 contient en germe toute son œuvre à venir : on entre dans The Silver Case (PS1, 1999) comme dans sa tête. Le scénario est clairement destiné à un public adulte, l’ambiance glauque est due à son contact avec les morts dans l’entreprise de pompes funèbres, la direction artistique témoigne de sa sensibilité hors du commun. Et surtout, la jouabilité est très dirigiste : vous pénétrez dans un univers où la liberté de mouvement est minimale. Le but de The Silver Case n’est absolument pas d’amuser des jeunes devant un écran, mais d’exposer la recherche intellectuelle d’un artiste en pleine quête d’identité. Trop « décalé » et intransigeant pour trouver son public, le jeu ne sort pas du Japon.

La génération de consoles suivante permet à Suda 51 d’aborder des thèmes plus légers pour son deuxième jeu, Flower, Sun, and Rain (PS2, 2001). L’originalité étant de faire revivre la même journée à un enquêteur pour découvrir à chaque fois de nouveaux indices. En fait, Suda 51 a décidé de produire des jeux plus subtils, avec des messages sexuels codés pour ne pas heurter le grand public de façon frontale. Des rapports fusionnels jusqu’à l’homosexualité latente, les allusions sont multiples. D’ailleurs, Flower, Sun and Rain est un jeu qui s’interprète plus qu’il ne s’explique : « Je vous assure que les jeux vidéo sont une extension d’une forme d’art. A mon avis, la plus haute forme d’art est l’existence des jeux vidéo ». Malgré ce changement de politique au niveau du contenu adulte codé, les ventes ne décollent pas au grand dam de Suda 51. Il décide alors de frapper fort pour percer hors du Japon.

Michigan signe la première victoire de Suda 51

Non seulement Suda 51 réalise le scénario de Michigan (PS2, 2004), mais il participe également à son développement. Le jeu se déroule en vue à la première personne puisque vous dirigez un caméraman pour le compte de la chaîne Zaka TV. Encore une fois, le joueur est plus spectateur qu’acteur. Le héros filme trois types de scène : « Suspens », lors de scènes d’action épiques contre des créatures sanguinaires, « Erotique », où il s’agit de trouver le bon angle pour filmer sous la jupe de la journaliste, et enfin « Immoral », où vous vous contentez de filmer des meurtres au lieu d’aider les victimes. Michigan perce effectivement en Europe (en version censurée), mais pas encore assez pour sortir aux Etats-Unis. La presse européenne est unanime : le jeu souffre d’une réalisation désastreuse (le budget et l’équipe dont dispose Grasshopper sont en effet très restreints), mais la qualité du scénario, la politique mature inédite et la direction artistique sont exceptionnelles. Une dizaine d’années après ses débuts dans le monde du jeu vidéo, Suda 51 savoure enfin la victoire, certes encore discrète et malheureusement censurée. Il lui faudra faire encore plus de bruits…

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La reconnaissance internationale sur Gamecube et PS2 avec Killer7

La persévérance de Suda 51 et ses productions complètement fantaisistes finissent par payer : Capcom remarque Grasshopper dans un contexte bien particulier. La GameCube est frappée du syndrome de la N64 : les jeux phares sortent au compte goutte et les éditeurs tiers fuient la console. Tentant de redresser la situation in extremis, Nintendo négocie à prix d’or les « Capcom Five », une série de cinq jeux en exclusivité pour la GC développés par Capcom. Suda 51 se voit confier l’un des cinq jeux exclusifs à la GC : Killer7 est annoncé en grande pompe pour 2003. Si le budget est au rendez-vous, l’imagination débridée de Suda 51 s’accommode mal des contraintes techniques imposées par Capcom. La sortie du jeu se voit repoussée de deux ans. Hiroyuki Kobayashi, producteur chez Capcom, déclare : « Suda 51 avait une approche du jeu vidéo totalement différente de la nôtre. Et ses idées sont souvent tellement étranges qu’on a malheureusement parfois du mal à les concrétiser en jeu vidéo. Au cours du développement, Suda 51 est très souvent arrivé avec une idée géniale qu’on n’a jamais réussi à concrétiser parce que c’était impossible, parce qu’on ne se comprenait pas ». A la question cruciale : « Y aura-t-il une suite à Killer7 en cas de succès ? » Le producteur répond : « Oui, c’est très probable ». Or, convaincre le grand public d’acheter une GC pour jouer à un jeu de Suda 51 était une idée complètement absurde. Killer7 est inclassable, c’est à ce jour le jeu le plus fou jamais créé. Il n’est pas question de divertir le joueur, mais au contraire, de la convaincre de participer à une expérience artistique éprouvante. Les mécanismes du jeu sont arides : Rail Shooter durant les combats, jeu d’action / aventure à la troisième personne durant les phases d’énigmes. La liberté de déplacements est limitée à l’extrême : il suffit juste d’appuyer sur un bouton pour avancer sur un chemin prédéfini. Suda 51 nous livre son jeu le plus abouti sur le plan intellectuel : c’est le jeu de la maturité. Une fois compris les enjeux de Killer7, on adhère à la réalisation psychédélique (3D quasi non texturée pour un rendu agressif et anguleux), à l’ambiance innovante (perte des repères habituels) et à la complexité du scénario (sur le plan politique, philosophique et moral). Malgré son élitisme, le jeu remporta les suffrages de la presse internationale, notamment aux Etats-Unis. Mais Killer7 connut à sa sortie un échec commercial impressionnant. Capcom annonçait au départ un objectif de vente mondiale de 330.000 unités sur GC. Finalement, il ne se vendra que 280.000 unités (dont 12.000 au Japon) en cumulant les versions GC et PS2.

Malgré les échecs commerciaux, Grasshopper atteint enfin le rang de studio de développement de renommée internationale. Du coup, le studio se voit confié de nombreux projets, et Suda 51 est rapidement trop sollicité pour participer à tous les développements en cours : Samurai Champloo: Sidetracked (PS2, 2006), Blood + One Night Kiss (PS2, 2006) et Contact (DS, 2007). D’autant plus que Suda 51 est sorti épuisé du développement de Killer7 : « C’était un jeu révolutionnaire. Donc, si nous travaillions sur une suite, nous devrons penser à bosser encore plus dur, car je ne veux pas proposer exactement la même chose. Ce serait quand même très difficile à faire ». Suda 51 n’a plus envie de se triturer le cerveau pour accoucher d’une œuvre qui sera, au bout du compte, incomprise.

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No More Heroes sur Wii : plus gros succès de l’ère Suda 51 ?

Il est temps pour Suda 51 de se reposer. No More Heroes (Wii / 2007) et sa ville nommée Santa Destroy constituent une gigantesque cour de récréation. Pour la première fois, Suda 51 pense au plaisir que peut éprouver le joueur, et lui accorde une place à part entière. Le héros Travis Touchdown est finement étudié : « Partir du héros était une bonne chose. J’étais très inspiré par Johnny Knoxville de Jackass, et je voulais qu’il ait le même style que Brad Pitt dans Fight Club ». Le jeu se veut un GTA sous acide, un trip digne de Las Vegas Parano. Les références sexuelles sont équivoques : le personnage Sylvia Christel emprunte son nom à l’actrice principale du film érotique Emmanuelle, et Travis simule une masturbation pour recharger son sabre-laser. Des allusions scatologiques sont également présentes : Travis s’assoit sur le trône des toilettes pour sauvegarder la partie. « Etre seul est très important. Je vais aux toilettes et j’essaie de chier, et là j’ai une bonne idée qui germe. Dans l’écran de sauvegarde de No More Heroes, vous êtes assis sur la cuvette des chiottes – pour moi, faire un jeu ressemble un peu à ça. Quand vous chiez, tout ce que vous avez ingurgité ressort tout mélangé, et c’est composé de toutes sortes de choses – c’est un peu le même genre d’idée selon moi. Cela crève les yeux dans Killer7, et c’est toujours là dans No More Heroes – c’est un vrai mélange. No More Heroes est vraiment à mon image. Un cocktail composé pour 51 % de style et pour 49 % d’humour ». La violence est décomplexée au point de se voir censurée sur deux continents. Les graphismes sont techniquement risibles mais esthétiquement réussis : « La principale raison qui m’a poussé à ajouter ce graphisme rétro, c’est que le jeu est inspiré de la Californie des années 1980. Les jeux rétro sont de cette génération -en particulier l’Atari 2600- cela confère une vraie atmosphère aux décors du jeu ». Le scénario est ponctué par des rencontres avec des Boss et des situations dignes des univers cinématographiques de Tarantino et Kitano. Bref, Suda 51 s’amuse beaucoup. Et pour une fois, le joueur aussi !

Un gameplay jouissif à la Wiimote

Travis est un loser qui rêve de devenir quelqu’un pour épater Sylvia Christel, sa nouvelle patronne sexy. L’otaku frustré se métamorphose en “jedi-catcheur” en utilisant un sabre-laser acheté à une enchère sur Internet. Coïncidence inattendue : un meurtre le classe à la onzième place par l’UAA (United Assassins Association). Les matches contre le Top 10 des assassins constituent la partie principale de l’histoire, Travis visant à devenir l’assassin ultime. La Wiimote se métamorphose en « Killmote » lors des affrontements, tant la jouabilité est bien dosée. Si on peut pester contre les coups de sabre style Zelda : Twilight Princess (seule l’impulsion des coups est détectée), on prend tout de même un sacré pied à enchaîner les combos. Le studio Grasshopper affirme qu’il faudra attendre le second épisode pour bénéficier d’une reconnaissance de mouvements optimale avec l’accessoire Wii Motion Plus.

No More Heroes inspiré de Manhunt 2 pour son côté ultra violent

Suda 51 avait promis de faire de No More Heroes un jeu ultra-violent : « Je ferai également de mon mieux pour rendre No More Heroes aussi, voire plus violent que Manhunt 2 ! » La réputation de Manhunt 2 ayant précédée sa commercialisation, il fut très déçu lorsqu’il eut entre les mains la version censurée du jeu : « Voilà ce à quoi je ne veux pas que NMH ressemble“. Le BBFC (l’organisme anglais de classification des jeux, similaire au PEGI européen) avait entrainé Rockstar dans de lourdes procédures judiciaires. Si le BBFC et l’ESRB n’ont pas eu la peau de Manhunt 2, ils lui ont tout de même fait retirer tout ce qui avait un caractère choquant ou dérangeant. Craignant une interdiction de vente pure et simple en Europe, la sortie de No More Heroes a été retardée 2 fois en Europe « pour des raisons logistiques » selon Ubisoft, l’éditeur. En réalité, Suda 51 a remplacé les litres d’hémoglobine qui tachent lors des combats par des effusions de pixels ridicules (voir screenshot comparatif). Vous passez votre temps à découper des types en deux et pas une seule goutte de sang ne vient vous éclabousser ! Cette version altère fatalement l’intérêt du jeu. Suda 51 n’a rien trouvé de mieux à répondre à la colère des fans européens que la version censurée est celle qu’il « concevait au départ ». Il aurait dû plutôt admettre qu’un petit studio de développement indépendant comme Grasshopper n’a pas les moyens de Rockstar, et ne peut résister aux pressions des différents gouvernements. Quand bien même, cette lutte s’est révélée vaine pour Manhunt 2, et Suda 51 préféra prendre la décision d’autocensurer son bébé, avant de provoquer une polémique dont Grasshopper ne serait pas sorti vivant. Il reste la possibilité de l’import : seule la version US contient du sang. Cet aveu d’impuissance à achever une œuvre et à dévoyer les projets artistiques (à cause des démagogues moralisateurs et des lourdeurs de l’industrie) eut un retentissement sans précédent. Le succès de la pétition internationale “No More Heroes with blood for Europe” interpelle Suda 51, qui promet une suite pour l’Europe disponible en deux versions : « extrême » et « plus sobre » : « Il est désormais impossible de faire le même jeu pour tous les territoires, mais je veux que les utilisateurs européens puissent faire l’expérience de la version extrême ».

Oubliez tout de suite le budget pharaonique de GTA IV et son moteur graphique. No More Heroes nous renvoie à l’ère de la PSone et des premiers GTA avec ses bugs à tout va, et ses polygones « énaurmes ». Dans ce cas, comment la presse spécialisée a-t-elle pu s’enflammer pour un jeu aussi repoussant ? Parce que le jeu voulu par Suda 51 est exigent : il réclame de la part du joueur une certaine maturité. Ceux qui veulent du réalisme à tout prix et du plaisir immédiat passeront leur chemin, tandis que les plus patients seront récompensés par des trésors de créativité. Certes, No More Heroes se veut plus accessible que Killer7, mais le style demeure identique avec des textures épurées à l’extrême. C’est avec ce genre de paris que le jeu vidéo atteint une certaine reconnaissance artistique. Souvenez-vous de Picasso brisant les canons de l’art avec ses Demoiselles d’Avignon au début du XXe siècle. Il ne s’agit pas de comparer l’incomparable, mais de saisir l’intention du créateur ainsi que sa prise de risques. Ce qui implique de ne plus parler de graphismes dans No More Heroes, mais de véritable esthétique. Le style transcendant la laideur, le joueur vit alors une expérimentation artistique. Suda 51 affirme que là où Killer7 se focalise sur « des problèmes politiques », No More Heroes s’intéresse, lui, à « des problèmes sociaux » !

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No More Heroes 2 : on prend la même recette et on recommence ?

On pensait que Suda 51 avait tout dit, mis en scène les farces les plus grotesques, provoqué les sentiments les plus subtils. Hé bien non, No More Heroes 2 : Desperate Struggle s’annonce plus riche que son prédécesseur : un « Fu… » dans tous les dialogues, des bimbos encore plus sexy, des combats davantage violents (grâce à un rendu graphique bien plus net, nous y reviendrons). Mais la formule « lave plus blanc que blanc » se suffit-elle à elle-même ?

Trois ans que Travis n’avait pas mis les pieds à Santa Destroy. A peine remis de ses précédents traumatismes que Sylvia Christel le charme de nouveau. Elle lui promet une nuit torride s’il regagne sa place de numéro un du Top 50 des assassins. Le championnat ne l’a pas attendu : il part de la 51ème place ! Pour casser la routine, on peut diriger deux autres personnages issus du premier volet. Ce qui offre de nouveaux mouvements, comme le saut ou les boules d’énergie à distance. Des techniques de combat un peu plus variées, même si cela ne change pas de fond en comble le gameplay. Et si Shinobu et Henry donnent un coup de main à Travis, on est loin de compter 50 combats au total. Grasshopper a rusé grâce aux combats de groupe et aux prises d’initiative des deux autres anti-héros, ce qui donne en fait une quinzaine de véritables combats. Qu’importe, j’ai toujours privilégié le fond sur la forme, la qualité sur la quantité. De toute manière, cette 51ème place n’est qu’un clin d’œil de la part du géniteur du jeu : Suda 51. Le principe du jeu reste un Beat’em All : une fois sur le lieu de combat, Travis s’échauffe sur des meutes de gardes du corps. La zone nettoyée, le combat contre le Boss s’engage, toujours précédé de jingles et cinématiques tarantinesques.

On ne peut pas parler de « saut graphique » entre le premier et le second opus, mais la redécouverte de Santa Destroy et de ses hôtes est impressionnante. Si le parti pris en Cell-shading est conservé, la 3D anguleuse et les textures minimalistes ont été nettement étoffées. Le côté rétro du premier No More Heroes était appuyé à outrance, frôlant parfois avec le kitsch lors des ballades en ville. Cette fois-ci, Suda 51 a porté toute son attention sur les protagonistes : on est frappé par le visage de Travis, plus humain que jamais. Les ennemis ne sont pas en reste, notamment le menu fretin, bien plus varié que les vagues de clones de yakuzas du premier No More Heroes. Concernant les Boss, Suda 51 a réussi à réunir un casting encore plus loufoque ! Imaginez un jeu qui réunirait à la fois Johnny Knoxville de Jackass (Travis Touchdown), Cloud de Final Fantasy VII (Skelter Helter), le rappeur Ali G (Nathan Copeland), Paris Hilton (Sylvia Christel) et Krang, le conquérant galactique réduit à l’état de cerveau dans les Tortues Ninja (le Dr. Shake). Bien d’autres icônes de la culture populaire font leur apparition, mais trop en dévoiler vous gâcherait le plaisir. Secouez le bocal étiqueté Santa Destroy et vous obtiendrez la tête en ébullition de Suda 51 !

La maniabilité, point d’orgue du précédent opus, est restée quasiment inchangée. Avec les effets d’annonces en 2008 « No More Heroes 2 sera compatible Wii Motion+ », et le résultat, on est forcément un peu déçu. On s’attendait à un gameplay à la précision améliorée, du style combats au sabre à la Wii Sports Resort. Imaginez qu’à la place des Miis, vous tranchiez des yakuzas tel le Ghost Dog, perché sur son toit. Ça laisse rêveur… Et c’est bien ce que l’on reproche à Grasshopper : nous avoir fait de belles promesses en vain ! Au lieu de rendre No More Heroes 2 compatible avec le Wii Motion+, Grasshopper a rendu le jeu compatible avec le Classic Controler ! Un net recul en arrière sur Wii, qui se comprend mieux au regard de la nouvelle politique commerciale adoptée : le premier épisode a été porté sur PS3, le second le sera donc aussi très prochainement. Pour faciliter les portages, Grasshopper s’est hélas contenté d’une maniabilité conventionnelle. Aux oubliettes les avancées du Wii Motion+… Et lorsque Suda 51 dit que « L’avenir de No More Heroes ne sera pas sur Wii » parce qu’il a « fait le tour de ses possibilités », on serre les fesses.

Mais loin de nous l’idée de dresser un mauvais procès. Puisque la maniabilité du premier volet était excellente, elle garde toutes ses qualités pour le second. Le gamer reste en terrain connu : on locke l’ennemi avec Z, et on s’acharne dessus à coups de sabre laser avec A pour vider sa barre de vie. Lorsque cette dernière est presque à sec, il suffit de donner un coup de Wiimote dans la direction indiquée. L’écran se retrouve alors submergé par des litres de sang : on atteint haut la main la violence et le plaisir procuré par Madworld. Après une attaque mortelle et l’alignement de trois symboles identiques lors d’une mini loterie, Travis dispose de pouvoirs spéciaux dont je tairais la grande nouveauté… Voir les gros durs s’enfuirent dans tous les sens est euphorique : l’ambiance visuelle et sonore nous immerge parfaitement dans la furie de Travis. Les attaques au sabre laser varient toujours selon la position, haute ou basse, de la Wiimote. Les inusables prises de catch sont également au programme avec le bouton B, et on se tape encore une branlette pour recharger. La croix, bien pratique, sert à esquiver dans les quatre directions. Les méchants de base ne posent pas de souci particulier, si ce n’est leur nombre. En mode sucré, les Boss ne sont pas non plus spécialement difficiles, mais ils exigent de la patience et un bon sens du timing pour arriver à placer des combos meurtriers. Détail qui a son importance durant les phases de plateforme : il est impossible de contrôler la caméra. Cette lacune impose quelques frustrations (pas si graves pendant les combats, grâce au lock des ennemis et au recentrage automatique de la caméra). Bref, un gameplay qui a déjà su faire ses preuves. Le fait de manier deux sabres à la fois renouvelle le plaisir des yeux, avec une sensation de puissance accrue en secouant Nunchuk et Wiimote. Détail amusant : en agitant la Wiimote comme un malade, on peut regagner quelques points de vie lorsque Travis tombe à bout de souffle.

Suda 51 a entendu les critiques : les séquences à la GTA devaient être améliorées. Dans le premier, il ne se passait jamais rien en ville : la moto était difficilement gouvernable, on ne pouvait pas interagir avec les rares piétons (sans compter une liste longue comme le bras de problèmes techniques : clipping, ralentissements, collisions mal gérées, caméra infâme…). Suda 51 avait promis « un monde plus ouvert » pour le second épisode. Or, les améliorations de la partie GTA sont… nulles. Cependant, on desserre les fesses. Suda 51 était mal à l’aise avec un genre qui lui était jusqu’à présent étranger. Il a donc décidé de supprimer le peu de liberté qui était accordé au gamer (il s’agissait de chercher les balles Lovikov, creuser le sol au sabre laser afin de déterrer de l’argent et des cartes de collections, ou bien faire les poubelles pour dénicher des t-shirts rares). Dès que Travis sort de son appartement, la carte de Santa Destroy est modélisée. On choisit directement les centres d’intérêt où vagabonder : prochaine cible du classement du Top 50 des assassins, l’armurerie, la salle d’entraînement, les boutiques pour personnaliser son anti-héros, etc. Si la ville est désormais réduite aux endroits clés, le principe des jobs loufoques permettant de gagner de l’argent a été conservé. Le « ramassage de noix de coco » et la « chasse aux scorpions » sont toujours de la partie, mais sous une forme remaniée : la plupart des mini-jeux se déroulent en 2D, à l’ancienne. Il ne faut pas oublier que Suda 51 a fait ses armes sur Super NES. Si certains ne sont pas inoubliables (cuire des steaks, course de moto digne d’une Master System sous dialyse), les mini-jeux ont globalement le mérite de procurer une pause rafraichissante entre deux combats arides. Un puzzle à base de Tetris se révèle même diabolique, mais chut, n’en disons pas plus.

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