La dématérialisation des jeux vidéo représente une pratique en vogue.
Certes, la vente physique de jeux vidéo reste prépondérante dans les magasins et sur Internet mais il est indéniable que le support virtuel deviendra, dans une bonne dizaine d’années, le principal moyen d’achat des clients du monde entier.
Enjeux, évolution du marché et de la façon de consommer du jeu vidéo, le Vortex vous propose un tour d’horizon de la question.
Dans ce dossier, nous vous proposons un tour d’horizon des différentes manières de voir et d’appréhender le jeu vidéo en version immatérielle.
Pourquoi dématérialiser le jeu vidéo ?
A cette question il existe une grande quantité de réponses se valant toutes plus ou moins, cependant nous allons définir ici les principales raisons.
Tout d’abord nous pouvons voir la dématérialisation comme un moyen d’offrir un large panel de titres sans nécessairement manquer de place. En effet, il est tout à fait impossible de placer tous les jeux sortis sur PS3, Xbox 360 et PC dans un seul et même magasin. Ainsi la dématérialisation serait motivée par un souci de praticité.
D’un autre côté, l’achat virtuel de contenus permet de réduire les frais pour les éditeurs ainsi que pour les développeurs indépendants. Il est bien moins cher, et bien plus rapide, de mettre un jeu en téléchargement que de l’apposer sur une galette qui sera ensuite mise dans un boitier avec son manuel de jeu, puis vendue en magasin. Bref, on voit bien que ceci représente un gain de temps et d’argent tout en étant écologique (même si ce n’est pas la motivation première).
Enfin, nous pourrions finir par dire que la dématérialisation coûte bien moins chère pour un développeur indépendant qui pourra mettre sa créativité en action. Le financement d’un jeu sur plateforme de téléchargement est bien moindre par rapport aux blockbusters sortant en boites. Ainsi le développeur prend plus de risques, et se permet des choses originales.
Ce tableau idyllique n’est pas pour autant exempt de problèmes, mais nous en parlerons un peu plus loin dans ce dossier.
Les acteurs de la dématérialisation intensive… ou pas
Si l’on ne devait retenir qu’une seule société ayant placé la dématérialisation dans une situation si confortable, cela serait Valve. Avec sa plate-forme Steam, la firme de Gabe Newell s’est très vite positionnée sur le secteur de la vente de jeux vidéo téléchargeables. Steam, qui n’a que très peu de temps servie de plateforme de téléchargement de patchs et de correctifs, s’est très rapidement convertie en Terre Promise de téléchargement de jeux vidéo. L’incroyable succès de Steam a vu certains acteurs de l’industrie vidéoludique taxer la société créatrice d’Half Life de concurrence déloyale. Si cette entreprise montre la frustration de quelques éditeurs, il est clair que la question peut être soulevée, au vu des récurrentes et exceptionnelles promotions proposées sur la plateforme de téléchargement.
Au final, la meilleure réponse à cet horripilant succès est la création de la récente plate-forme concurrente de Steam : Origin d’EA. Cependant, il n’est pas sûr qu’Origin connaisse le même succès que Steam, du fait d’un catalogue réduit aux jeux EA alors que Steam possède une grande diversité de titres de différents éditeurs. A savoir que le catalogue de Steam risque de ne plus contenir de jeux EA à l’avenir. On peut voir poindre une guerre des plateformes de téléchargement d’ici quelques temps.
Aussi n’oublions pas l’excellent GOG, nous permettant de découvrir ou redécouvrir les bons vieux jeux d’antan (sans DRM s’il vous plait), ni Métaboli proposant une quantité de jeux PC pour 10 à 20€ par mois selon la formule choisie.
Le cas des consoles est quelque peu différent puisque si les trois constructeurs sont sur le marché, seuls deux d’entre eux ont réussi à s’imposer sur le marché virtuel.
Microsoft avec sa Xbox 360 et Sony avec sa PS3 se battent allégrement à coup de contenu exclusif sur le Xbox Live Arcade et le Playstation Store. Si le XBLA a été le premier à être réellement actif sur le marché des consoles, avec notamment Geometry Wars, le Playstation Store n’est plus en reste grâce à la série des PixelJunk. Les jeux sur les plates-formes des consoles HD prennent de plus en plus de place dans le coeur des joueurs mais aussi dans les plannings marketing de Microsoft et Sony.
Pour ce qui est de Nintendo, on ne peut pas dire que ce soit la même réussite. Si quelques titres comme LostWinds ont réussi à montrer un gameplay intéressant, la plupart des jeux WiiWare et DsiWare ne sont pas restés dans les esprits des gamers. En même temps, il faut préciser que la firme de Kyoto n’a pas non plus favorisée le développement de jeux de qualité sur les plates-formes dématérialisés.
Le virtuel total pour l’industrie du jeu vidéo n’est pas pour tout de suite
Sony a fait les frais de cette affirmation, la PSP Go a été un échec retentissant dans l’industrie du jeu vidéo. La sortie d’une PSP n’utilisant aucun port UMD est certainement un choix bien trop précoce pour le marché actuel. Au final, le pire pour la PSP Go, est sûrement d’avoir obligé le nouvel acheteur de la console de Sony à racheter les jeux dématérialisés qu’il possédait déjà en UMD (hormis les 3 ou 4 jeux offerts par Sony lors de l’achat de la console). En somme la PSP Go est sortie au mauvais moment, comme quoi il ne faut pas toujours être trop avant-gardiste.
Pour trouver un service entièrement virtuel ou presque (un petit boitier à brancher sur sa TV reste nécessaire), il suffit de regarder du côté de Onlive. Le service américain de Cloud Gaming a réussi à convaincre les joueurs grâce à ses jeux en streaming. Si la MicroConsole n’enregistre pas un chiffre d’affaire mirobolant, elle ne se débrouille pas si mal outre-Atlantique.
Enfin, nous terminerons avec les spéculations sur l’avenir et l’hypothétique service de jeux vidéo directement accessible via sa télévision. Si cela n’est pas encore réellement disponible, nous pouvons dire que les box ADSL commencent à montrer le chemin avec leurs différents systèmes de jeux directement intégrés à celles-ci. Certes la qualité n’est pas au rendez-vous mais bon il faut bien commencer par quelque chose.
And the Winner / Loser is…
Il faut bien avouer que les jeux immatériels sont surtout un moyen de faire plus d’argent pour les éditeurs, et d’ailleurs ce sont bien eux les grands gagnants de cette tendance. L’écologie, le don de davantage de contenus aux joueurs et la favorisation d’échange direct entre utilisateurs et éditeurs, tout ça c’est du « bullshit ». Non, les éditeurs apprécient la dématérialisation pour l’argent qui en découle (en même temps, c’est difficile de leur en vouloir). Il est beaucoup plus intéressant pour les sociétés éditrices de loisirs vidéoludiques de passer par une plateforme de téléchargement pour distribuer un jeu que par les magasins traditionnels. Plus on réduit les intermédiaires plus la marge issue des ventes est importante, c’est évident.
Néanmoins il ne faut pas oublier que la virtualisation fait aussi le bonheur des petits développeurs, et éditeurs, qui peuvent se permettre d’innover en matière d’œuvre artistique et de gameplay. Sans les plateformes de téléchargement de jeux, il est clair que des titres comme Braid, Limbo ou encore Machinarium ne serait certainement jamais sortis. Nous n’aurions jamais pu nous régaler de ces délicieuses créations mêlant ambiance, graphismes et gameplay novateurs.
Du côté des losers, on retrouve les distributeurs. Ceux-ci sont évidemment les grands perdants de la virtualisation du jeu vidéo. Même s’ils essaient de se mettre à la page et de développer leurs offres via leur site Internet, leur impact n’est vraiment pas le même qu’un XBLA ou qu’un PSN. De ce fait les distributeurs ne sont pas contents et le font savoir, avec notamment le boycott de la PSP Go. En même temps je les comprends, vendre une console qui incite les gens à ne plus acheter de jeux dans votre boutique peut paraitre un peu masochiste. En conséquence, la console de Sony ne s’est pas vendue chez certains revendeurs hollandais et espagnols. Et si le désastre PSP Go n’est pas entièrement dû à ce genre de pratique, on ne peut pas dire que cela ait favorisé les ventes de la portable Sony. Le manque de visibilité et de communication a certainement pesé lourd dans la balance.
Dernièrement, les éditeurs et revendeurs se sont serrés les coudes pour jouer un jeu gagnant-gagnant. Peut-être est-ce l’effet PSP Go ou une prise de conscience des éditeurs, en tout cas ces derniers ont compris que la vente de jeux passe aussi par les magasins physiques. En conservant cette collaboration, les éditeurs profitent d’une publicité facile et efficace, et les revendeurs peuvent continuer à vendre normalement jeux vidéo et add-on. Ainsi les éditeurs ont mis à disposition des revendeurs des cartes avec un code permettant de télécharger des DLC sur le Xbox Live ou PSN. Ces fameuses cartes auraient, selon les dire des différents revendeurs, plutôt bien marché aux Etats-Unis. Dans ce système les deux parties trouvent leur intérêt et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. C’est aussi peut-être pour ça que le jeu vidéo n’est pas encore passé dans une dématérialisation totale. Les revendeurs et les joueurs ne sont pas encore tout à fait prêts à franchir le pas.
Et le joueur dans tout ça ?
Les joueurs sont, en général, un peu partagé au niveau du jeu dématérialisé. Cela se traduit par un engouement pour les jeux indépendants et tout ce qui touche aux jeux vidéo originaux, mais aussi par un agacement croissant par rapport aux abus que l’on peut rencontrer. Nous avons déjà parlé des petites perles de la nouvelle tendance indépendante mais pas du nombre de mauvais petits jeux issus des plateformes de téléchargement.
Il peut être difficile de trouver son bonheur en flânant sur le XBLA, le PSN, ou pire, sur le WiiWare. La quantité de mauvais jeux ciblant le casual gamer n’ayant aucune exigence est assez incroyable. Et quand je dis ça, je ne déplore pas le casual gaming, au contraire, des titres comme Angry Birds ou Burn it All nous ont démontré que l’on peut faire du bon jeu vidéo pour joueur occasionnel. Mais le jeu casual c’est aussi d’horribles titres ramollissant le cerveau.
Avec l’avènement des smartphones pliables et des tablettes tactiles de plus en plus performantes, certains développeurs et éditeurs se sont dit qu’il serait simple de vendre une grande quantité de petits jeux pas chers mais pas très bon non plus. Les jeux « casual » sont devenus un gagne-pain tellement important que l’on n’hésite pas à produire des jeux ayant autant d’intérêt qu’un réfrigérateur pour un esquimau. Ce constat a pour conséquence d’énerver les gamers, qui voient leur média préféré pollué par des titres tous aussi dispensables les uns que les autres. Mais bon, après tout, les gamers ne se feront pas avoir puisqu’il connaissent bien le marché. Cela devient plus gênant, lorsque les développeurs, arrivant avec un budget très restreint mais beaucoup de talent, s’aperçoivent que leur titre ne se vend pas très bien à cause d’un manque de visibilité déterminant. La masse de jeux sur l’AppStore (ou autre plate-forme de téléchargement) noie le client lambda, qui ne trouvera pas le petit jeu qui aurait fait son bonheur. Au lieu de ça, le joueur casual achètera un énième jeu de recherche d’objets avec 50 tableaux se ressemblant tous, l’extase quoi…
Le DLC, c’est le mal !
Pour rester dans les choses qui fâchent, parlons du DLC. Le Download Content permet de continuer l’expérience de jeu, ce qui rallonge donc la durée de vie initiale d’un titre. Au premier abord ça a l’air sympa, mais il faut bien se dire que tout se paye dans le jeu vidéo ! (Ou presque.) Mis à part certains contenus additionnels que vous pourrez télécharger gratuitement, le DLC est relativement cher pour ce que l’on a.
Prenons un exemple simple: Call of Duty. Quand vous faites le calcul du jeu plus les DLC (15€ pour 4 maps par DLC), vous obtenez un jeu vous ayant coûté plus ou moins 100 à 150€. Alors oui, c’est cher, très cher mais cela se vend et c’est bien pour ça que les éditeurs renouvellent ce genre de pratique. C’est aussi dans ce cas de figure que l’on découvre différentes réactions de la part des joueurs. Les premiers sont absolument fans de la licence et achèteront tous les DLC, sans exception. Les deuxièmes achèteront un pack d’armes ou de maps, les troisièmes n’achèteront aucun DLC, puis les derniers n’achèteront même pas le jeu d’origine, par principe, car ils considèrent qu’ « acheter un jeu en kit, c’est pas cool ». Après il y a bien sûr la guerre des opinions entre joueurs. Ceux voyant le DLC comme l’œuvre du Malin désignent les acheteurs de DLC comme des pigeons ou des moutons (l’animal importe peu) alors que les autres insultent les premiers de « sales pauvres ».
Si je ne comprends pas nécessairement les personnes dénigrant les joueurs achetant un DLC, je peux concevoir que l’on puisse ne pas être content quand le contenu additionnel est déjà sur le DVD du jeu original. En effet, sur Bioshock 2 il faut une clé d’activation (payante, of course) pour débloquer le contenu additionnel : Sinclair Solutions, alors que ce dernier est déjà présent sur le disque. Là, pour le coup, la grogne des joueurs est tout à fait justifiée.
Il arrive aussi, parfois, que les développeurs et éditeurs décident d’offrir une petite surprise aux joueurs. C’est le cas dans les boites d’Alice : Retour au pays de la folie, dans lesquelles vous pouvez retrouver un code de téléchargement vous permettant de vous procurer le jeu American McGee’s Alice, le premier tome de la série Alice. Comme quoi, l’alliance vente physique et dématérialisée a parfois du bon.
Le Old School est de retour
Là où j’aime particulièrement le jeu dématérialisé, c’est bien dans la facilité de se procurer les vieux jeux que nous n’avions pas pu faire par le passé, nous, les jeunes. La vague rétro qui s’est abattue sur le monde du jeu vidéo est une chance pour les jeunes gamers. Ceux-ci peuvent enfin découvrir des titres incontournables de la culture vidéoludique. Les différents remakes de jeux sur les plates-formes de téléchargement console ou les sites dédiés aux vieux jeux comme GOG prennent une place importante dans le cœur des joueurs. Moi-même, ayant longtemps cherché Ico (sans jamais pouvoir détenir le précieux Graal), je me réjoui de bientôt pouvoir découvrir le titre grâce au Playstation Store. Il est vrai qu’il n’est pas toujours facile de dénicher certains vieux monuments du jeu vidéo, et si vous en trouvez sur ordinateur, il est souvent contraignant de les faire tourner sur un nouveau PC. Une grande quantité de patchs est nécessaire pour profiter pleinement du jeu, ce qui n’est plus le cas quand vous vous offrez un remake pensé pour tourner sur nos bécanes actuelles.
La dématérialisation synonyme de mort du marché de l’occasion ?
Ce que craignent beaucoup de joueurs dans la dématérialisation, c’est l’impossibilité de revendre un titre dénué d’enveloppe matérielle. Le marché de l’occasion est devenu une bataille de plus pour les éditeurs. Ils n’hésitent plus à avantager les acheteurs de jeux neufs en leur fournissant des équipements spéciaux pour leurs avatars, ou sucrent la possibilité de jouer en multi aux amateurs d’occasions. Ainsi le joueur s’étant offert le jeu en occaz’ devra acheter un PSN Pass pour avoir accès au multijoueur. Ce genre de pratique me donne envie de crier un gros « WTF » mais bon, je ne pense pas que cela puisse empêcher Sony de rééditer la même stratégie.
Certains diront que les jeux immatériels sont la plupart du temps moins chers, mais ce que l’on oublie trop souvent c’est qu’en ne pouvant pas les revendre, le client perd un peu d’argent tout de même. La revente du jeu me permettait de pouvoir financer le prochain jeu que je voulais acquérir. Même si j’achète mon jeu moins cher qu’en magasin, je devrais attendre plusieurs semaines avant d’en acheter un nouveau alors que j’aurais pu me l’acheter deux jours après grâce à l’argent de la revente (oui, les jeux sont de plus en plus court, donc on les finit en deux jours, et encore…) Tout ça pour dire qu’au final le joueur féru d’occasions ne se retrouve pas avec la distribution virtuelle.
Cependant, on peut voir les prémices de l’échange de jeux virtuels grâce au tout récent Steam Trading, qui permet d’échanger un jeu que l’on possède en double avec une autre personne utilisant aussi le Steam Trading. Ainsi une personne ayant deux fois un même jeu (parce qu’on lui a offert alors qu’il le possédait déjà, par exemple) peut échanger ce jeu à un autre utilisateur ayant eu le même cas de figure. A savoir que le Steam Trading offre aussi la possibilité d’échanger des objets utilisables in game.
Enfin nous finirons par une séquence émotion en abordant la collectionnite du gamer pris de passion pour ses jeux. Et quand je dis ça je ne me moque pas du tout car je suis un de ceux qui, au premier abord, refusaient catégoriquement de passer au dématérialisé. Avouez que présenter sa ludothèque en forme de liste jeux sur Steam est quand même beaucoup moins classe que d’exposer ses jeux en boites sur une belle étagère. Vous ne pouvez même pas ranger vos titres par machine, genre et ordre alphabétique, c’est pour dire à quel point l’intérêt d’une ludothèque virtuelle est minime.
En conclusion nous pourrions dire que l’avènement de la distribution virtuelle de notre loisir préférée ne fait plus aucun doute, mais qu’une totale virtualisation n’est pas pour tout de suite. Il faudra probablement attendre quelques années avant de voir cela se produire. La faute à un public pas encore bien préparé et à une mauvaise organisation des différents acteurs du marché. Au final les joueurs savent plutôt bien mettre en relief les aspects négatifs et positifs de ce phénomène. S’ils déplorent les importants efforts financiers qu’on leur demande ainsi qu’un contrôle du marché de plus en plus fort de la part des éditeurs, ils apprécient les remakes de jeux rétro et la qualité des titres indépendants.
Rédacteur en chef du Vortex. Amateur de Pop-Corn.
Créateur de singularités.