Réveillez-vous ! Vos yeux s’ouvrent sur des inconnus qui, comme vous, n’ont aucun souvenir. Quand, comment, pourquoi avez-vous été placé dans un labyrinthe tridimensionnel dont chaque pièce est un cube ? Voici notre rétrospective complète sur la saga Cube. En ressortirez-vous en un seul morceau ?
Le film Cube
Réalisé par Vincenzo Natali, sorti en 1997
Sept prisonniers complémentaires réunis dans un Cube
Sept personnes dont on a effacé la mémoire se retrouvent enfermées dans une prison en forme de cube. Les prisonniers n’ont aucun lien entre eux, mais chacun possède une certaine forme de compétence qui, combinée aux autres, produirait les conditions indispensables à leur évasion.
Rennes livre des techniques d’évasion / l’architecte Worth donne des informations sur le cube / le policier Quentin joue le rôle du mâle dominant de par sa stature physique / le docteur Holloway soigne les blessés / un autiste savant et une mathématicienne déchiffrent les codes du cube pour éviter les pièges.
Mais au fil du temps, la peur et le désespoir grandissent, exacerbant les conflits entre les prisonniers et diminuant d’autant plus leurs chances de survie.
Les pires dangers ne sont pas forcément ceux qu’on croit…
Les véritables stars du film culte ne sont pas les pièges, aussi spectaculaires soient-ils, mais bien les prisonniers du cube. Certes, il y a quelques morts brutales provoquées par les pièges : un type découpé en morceau, un autre dont le visage est rongé par de l’acide. Mais ce n’est rien comparé à la peur que peut susciter le « mâle dominant » du groupe, Quentin. S’il est capable de mettre sa force au service des autres en vue de s’échapper, que se passerait-il si cet ultime espoir venait à l’abandonner ? Ne va-t-il pas retourner sa force contre le groupe, tuer les plus vaillants et écraser les faibles, de manière à avoir le sentiment de maitriser quelque chose avant de mourir ?
Le Cube : une métaphore de notre société ?
Cube est un petit chef-d’œuvre fantastique d’humour noir, une habile métaphore des rapports de force impitoyables qui règlent la vie en société, comme l’explique le réalisateur Vincenzo Natali : « Les scénaristes et moi avons réalisé au bout d’un moment que l’on racontait dans le scénario notre propre expérience. On était tous les trois des amis de longue date et on habitait ensemble dans un minuscule studio. On avait le sentiment de n’être que des fourmis dans un monde de géants, ne comprenant rien aux forces qui nous précipitaient dans la vie. Le film est une version cauchemardesque de ce sentiment, un rêve de s’en échapper ». S’échapper du cube, les personnages ne rêvent que de ça. Sauf un, l’architecte Worth, lucide jusqu’au désespoir : « Il n’y a rien qui me donne envie d’aller dehors. Qu’est-ce qu’il y a dehors ? Une bêtise humaine illimitée ».
La bande-annonce du film Cube
Le film Cube 2 : Hypercube
Réalisé par Andrzej Sekula, sorti en 2002
Quand le Cube évolue en Hypercube…
Le principe du film de science-fiction est a priori le même que dans le premier épisode. Sauf que Cube 2 : Hypercube se déroule dans le futur : il ne s’agit plus d’un simple cube renfermant des pièces cubiques, mais d’un « Hypercube », un cube bien plus grand et complexe. Il est impossible pour les prisonniers de se repérer dans l’espace et les mouvements des pièces altèrent le temps.
L’hypercube : aux pièges spaciaux s’ajoutent les pièges temporels
Non seulement la gravité n’est plus la même d’une pièce à l’autre, mais le temps non plus : un type quitte une pièce et revient quelques minutes après, vieilli de dix ans ! Un couple se fait piéger ainsi : deux amants choisissent la mauvaise pièce pour faire l’amour et se changent en squelettes flottants en l’air. Enfin, quelques pièges symboliques font leur apparition : un carré tranchant enfle en cube, qui se multiplie à son tour et finit par emplir toute la pièce. Les effets spéciaux où l’artefact mathématique déchiquète le corps d’un homme paraissent hélas assez datés aujourd’hui, si bien que la scène fait plus sourire que monter la tension. Les dimensions parallèles qui s’entrecroisent dans l’Hypercube offrent un piège bien plus vicieux : un personnage peut par exemple rencontrer d’autres occurrences de lui-même. Or, le mâle dominant du groupe devient fou et massacre à la chaîne les « doubles » des autres prisonniers, avec un comique de répétition.
Le pourquoi du Cube : un début d’explication ?
Après l’ambitieux premier film, Cube 2 s’est fait descendre par la critique. Pourtant, cet épisode laisse des pistes intéressantes : les neuf personnages du film ont chacun un lien avec la fabrique d’armes Izon qui a construit l’Hypercube.
Simon Grady est le détective privé chargé de retrouver Rebecca Young, une employée de la firme Izon / Max Reisler est l’inventeur des pièges temporels, qu’il appliquait dans le cadre de jeux vidéo / Julia est l’avocate de la firme Izon / Le Docteur Phil Rosenzweig était un chercheur pour le compte de la firme Izon / Jerry Whitehall est l’ingénieur qui a conçu les portes à capteurs sensoriels permettant de changer de pièce dans l’Hypercube / le général Maguire est mêlé à l’élaboration du premier Cube / Mme Paley, une mathématicienne, s’est opposée au projet de l’Hypercube lorsqu’il était à l’état de prototype chez la firme Izon / Alex Trusk est le génie en informatique qui a réussi à concrétiser la figure théorique de l’Hypercube. Une fois son travail achevé, elle s’est réfugiée dans l’Hypercube : « J’ai fui dans le seul endroit où Izon ne me suivra pas » / Kate Fillmore est envoyée par Izon dans l’Hypercube afin d’empêcher Alex Trusk d’en réchapper.
On comprend pourquoi toutes ces personnes ont été condamnées à mort : soit elles contestaient les activités illégales de la firme Izon, soit elles ont participé à la construction de l’Hypercube et ne servaient à plus à rien une fois opérationnel. Quoi qu’il en soit, elles en savaient trop. Et le spectateur a enfin le sentiment de détenir le « pourquoi du comment ».
La bande-annonce du film Cube 2 : Hypercube
Le film Cube Zéro
Réalisé par Ernie Barbarash, sorti en 2004
Cube Zéro encore plus cruel que l’Hypercube ?
Comment arriver à faire une cage plus hermétique et cruelle que l’Hypercube ? Pas évident de jouer la carte du « plus » lorsqu’on arrive au troisième épisode. Du coup, l’action de Cube Zéro se situe juste avant le premier film, d’où le « Zéro ». Cette fois, la prison est élargie au premier cercle des surveillants : Eric Wynn et son supérieur Dodd son au cœur du film.
Cube Zéro : le plus gore de tous les épisode de la saga
Ne cherchez plus, Cube Zéro est bien l’épisode le plus gore ! Les conséquences des pièges sur les pauvres victimes ne sont plus suggérées (Cube) ou symboliques (Cube 2), elles sont étalées en gros plan. Un pauvre type se prend une douche d’acide et voit progressivement ses membres fondre puis tomber au sol dans des flaques de chair décomposée, un autre se fait exploser le crâne par des impulsions sonores littéralement insupportables. Détrompez-vous si vous pensiez que le retour en arrière par rapport à Cube 2 présagerait un parcourt plus facile pour les prisonniers. Certes, on est un peu déçu que le mâle dominant du groupe de prisonniers ne finisse pas par disjoncter comme dans Cube 1 et Cube 2, mais Cube Zéro réserve une surprise !
L’extérieur du Cube encore plus horrible que l’intérieur ?
En réalité, les surveillants du cube sont eux aussi des prisonniers : Eric et Dodd ont subi le même effacement de mémoire et on leur a extorqué à eux aussi un « avis de consentement » pour être les cobayes d’une expérience scientifique. Leurs collègues Chickliss et Owen, qui ont désobéi à l’interdiction de sortir du bureau de surveillance, ont été envoyés directement dans le Cube. Lorsqu’Owen parvient par miracle à la sortie, Eric voudrait l’aider mais Dodd insiste pour suivre le protocole. Tandis qu’Owen est enchainé, Dodd lit bêtement dans un micro les questions du manuel : « Question 1 : veuillez déclinez votre nom ? », puis : « Question 2 : est-ce que vous croyez en Dieu ? ». La réponse évidemment négative d’Owen (comment croire à une divinité qui voudrait vous voir souffrir à mort ?!) implique que les surveillants appuient sur le bouton « Non », ce qui déclenche son incinération immédiate. La taille du manuel et le nombre de questions pièges qu’il renferme laissent supposer un interrogatoire particulièrement long et éprouvant. En conséquence, les prisonniers en phase de sortie n’ont aucune chance.
Les différents rapports à l’autorité sont l’objet de la séquestration des surveillants : les « testeurs » sont en fait autant « testés » que les prisonniers du cube. Cube Zéro retranscrit en parti la fameuse expérience de Stanley Milgram, dans laquelle des « testeurs » ont le choix de punir par des décharges électriques des cobayes (des acteurs qui donnent sciemment les mauvaises réponses à un questionnaire). Le résultat est effrayant : 62,5% des « testeurs » allaient jusqu’à infliger des décharges mortelles parce qu’ils ne disposaient pas d’assez d’esprit critique pour résister à la tentation de se soumettre au conformisme du règlement. Ainsi, Dodd s’efforce de suivre les ordres dans le film : « Je ne fais que lire les questions et appuyer sur les boutons » ; ce à quoi répond Eric : « J’en ai marre d’appuyer sur des boutons ! ».
Dodd prend conscience de l’énormité de la manipulation lorsque son supérieur Jax et des techniciens investissent son bureau : les vieux claviers et écrans basculent sur eux-mêmes pour faire place à du matériel futuriste. Depuis le début, ce matériel High Tech était caché sous le nez des surveillants-cobayes pour mieux les maintenir dans un état d’ignorance. Le contraste entre l’illusion du passé et le futur est encore plus saisissant avec leur vieux téléphone, un modèle qui date du début des années 1980 ! Dodd, qui a toujours scrupuleusement obéi, tombe de haut. En apparence, il continue de se soumettre à Jax, qui lui rétorque avec ironie : « Excellent esprit, monsieur Dodd. C’est comme ça qu’on préserve la démocratie ». Néanmoins, au fil du temps, Jax laisse éclater son mépris pour les cobayes : « Beau travail, monsieur Dodd. Qui a dit qu’ils engageaient que des handicapés mentaux dans cette maison… Vous voulez un cachou ? ». Jax agit alors comme s’il récompensait un chien docile : il laisse tomber un cachou dans la bouche ouverte de Dodd.
La bande-annonce du film Cube Zéro
Le bilan de la saga : décryptage du Cube
Si le premier épisode flirtait avec l’opacité totale, le deuxième et le troisième épisode vont répondre à la plupart de nos interrogations. La fabrique d’armes Izon fournit des cubes aux pays régis par des dictatures, qui peuvent y enfermer et éliminer leurs opposants politiques en toute discrétion. Dans Cube Zéro, Jax annonce à Eric qu’il est condamné à retourner dans le Cube parce qu’il s’est rendu « coupable de haute trahison et de sabotage envers son gouvernement et son dieu ». Lorsqu’Eric demande à Jax en quoi consistait son travail de surveillance du Cube, ce dernier lui répond : « Vous n’êtes que des rats de laboratoire. On observe les observateurs, et cela donne des résultats très intéressants ». Des scientifiques ayant pris soin de le lobotomiser pour amoindrir ses chances de survie, Eric est jeté dans le Cube avec de nouveaux prisonniers. Cube Zéro s’achève sur le début du premier film : Eric est devenu autiste, mais il a conservé sa capacité à exécuter des calculs très complexes. Le cauchemar recommence.
Rédacteur en chef du Vortex. Amateur de Pop-Corn.
Créateur de singularités.