Zack Snyder s’amuse à faire transpirer sa passion pour les Comics et la culture Geek à longueur de films. Il donne du relief aux planches de 300 de Franck Miller et des voix aux bulles de Watchmen d’Alan Moore. Le travail graphique accompli est tout simplement titanesque.
Cependant, les critiques pleuvent, l’accusant de trahir – assez injustement – l’esprit des matériaux d’origine. Cherchant à relever le défi d’inventer un univers et des personnages qui lui sont propres, Zack Snyder propose avec Sucker Punch la synthèse de trente ans de cinéma d’action, jeu vidéo, comics et manga. Pari réussi?
Film réalisé par Zack Snyder, sorti le 30 mars 2011
Le pitch
Baby Doll, une fille de 16 ans, se fait enfermer dans un asile pour femmes dans les années 1960. Son beau-père la hait, et s’arrange avec le personnel de l’asile pour qu’elle subisse une lobotomie qui lui ferait oublier des secrets de famille compromettants. Terrifiée à l’idée de finir aussi vive qu’un légume, Baby Doll pousse quatre autres filles internées (Sweet Pea, Rocket, Blondie et Amber) à unir leurs forces pour reconquérir leur liberté. Un sage lui apparait en rêve, et lui donne des missions à accomplir inspirées des jeux vidéo : « Tu auras besoin de cinq choses pour le voyage vers la liberté : une carte, le feu, un couteau et une clé. La cinquième chose sera un immense sacrifice ».
L’action
Trois niveaux de lecture se télescopent dans Sucker Punch : la situation réelle de Baby Doll (une victime emprisonnée dans un asile), son interprétation fantasmée du réel (une prostituée martyrisée par un proxénète dans un lupanar), sa revanche imaginaire sur le réel (une super-héroïne qui s’érige contre les figures de l’oppression). Les allers-et-retours d’un monde à l’autre ont perdu plus d’un spectateur en cours de route ! En fait, les différents niveaux de lecture évitent à Baby Doll d’affronter la réalité : à peine cinq jours la séparent de la venue du High Roller, le médecin chargé de la lobotomiser. Les scènes où elle vole aux surveillants de l’asile les objets nécessaires à son évasion sont toutes enjolivées : elle détourne leur attention par une danse fictive dans le « second niveau », le milieu de la prostitution. Le réalisateur ne montre jamais la danse en elle-même, mais ce qu’elle déclenche dans l’esprit de Baby Doll : des scènes d’action survitaminées dans le « troisième niveau », où elle triomphe avec fracas avec ses amies. Lorsqu’elle dansait dans ses rêves, elle était en réalité violée et battue par des surveillants de l’asile dans le « premier niveau ».
Si vous êtes toujours avec moi, accrochez vos ceintures parce que beaucoup d’interprétations sont possibles : le véritable personnage principal du film ne serait pas Baby Doll mais Sweat Pea ; les autres filles (Rocket, Blondie et Amber) n’existeraient pas dans la réalité, mais seraient justes les projections fantasmées par Baby Doll et Sweat Pea ; ce serait Sweet Pea qui devrait se faire lobotomiser, alors que Baby Doll n’aurait jamais existée ! Le fil conducteur de Zack Snyder est assez difficile à suivre étant donné que le film est truffé d’ellipses et multiplie les fins ouvertes. Sucker Punch est donc un film à voir plusieurs fois pour saisir les indices qui pencheraient pour une théorie plutôt qu’une autre.
Situer le film dans les années 1960 permet à Zack Snyder de revendiquer un féminisme exalté : l’asile pour femmes est surveillé par des hommes qui ont tout pouvoir sur les prisonnières. Dans le « deuxième niveau », Baby Doll perçoit ses amies comme des prostituées séquestrées par un maquereau, son beau-père qu’elle exècre est imaginé en prêtre ( !), et le High Roller devient un client venu lui arracher sa virginité. Si le message politique et le scénario tiennent la route à condition de s’accrocher, il n’en va pas de même pour le reste. Non pas que Zack Snyder ne sache plus nous émerveiller, mais les scènes d’action et les références se bousculent à l’écran, si bien qu’au lieu d’être le film le plus personnel de Zack Snyder, Sucker Punch apparait paradoxalement assez pauvre. Une louche d’Onimusha, une louche de Wolfenstein, une louche de Seigneur des Anneaux, une louche de Star Wars… Que reste-t-il à une œuvre pour affirmer son identité, alors qu’elle se complait à recycler un maximum de mythes américains et japonais ?
Rédacteur en chef du Vortex. Amateur de Pop-Corn.
Créateur de singularités.