Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud avaient déjà fait sensation avec l’adaptation en dessin-animé de Persepolis, une mini-série de quatre BD autobiographiques écrites et dessinées par Marjane elle-même. Forts de ce grand succès, ils ont remis le couvert en adaptant une autre BD de Marjane : Poulet aux Prunes. Cette fois-ci, les deux comparses ont décidé de corser un peu l’expérience en réalisant non pas un dessin-animé mais un film ! Oui mais, la recette fonctionne-t-elle ?
Réalisé par Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, sorti le 26 octobre 2011
Le pitch
Téhéran, 1958. Nasser-Ali (Mathieu Amalric), meilleur violoniste de sa génération, visite les boutiques de musique des environs, à la recherche d’un nouvel instrument… sans succès. Dans un ultime accès de rage, son épouse Faringuisse (Maria de Medeiros) n’a pas brisé que son violon, mais aussi la raison de vivre du musicien ! Après avoir envisagé différentes manières de mettre fin à son existence, Nasser-Ali se résigne à attendre que la mort vienne le chercher dans son lit. Chaque jour passé apporte alors son lot de souvenirs, de réflexions et de visions de l’avenir…
La critique
Dans toutes ses oeuvres, Marjane Satrapi partage beaucoup d’elle-même, de son histoire, de celle de sa famille et de ses racines. A l’instar de Persepolis on retrouve ici son Iran natal, si cher à son coeur, ainsi qu’un membre de sa famille, joueur de tar exceptionnel, qui lui inspirera ce récit. Le tout est agrémenté de questionnements sur l’état d’artiste, la vie, l’amour… Après un générique aux volutes arabisantes, Poulet aux Prunes débute sur ces quelques mots : “Il y avait quelqu’un, il y avait personne…”, tel un conte Persan. Puis nous voilà à Téhéran, dans un décor de carton-pâte aux couleurs acidulées, qui nous donne la sensation d’assister à un Amélie Poulain sauce berbère ! Tout y est : la voix-off qui nous conte son histoire, les mélodies crystallines, les décors irréels tout droit sortis d’un songe, les aspects anecdotiques du récit… et même Jamel Debouze !
Bien entendu, il existe différents points de divergence. L’un réside dans les personnages principaux… qui sont difficilement appréciables ! Nasser-Ali est un vieil aigri égoïste et désabusé, marié à Faringuisse, une vieille harpie qui ne fait que couiner d’une voix stridente. On a un bref aperçu de ce que deviendront leurs enfants : Lili (Chiara Mastroianni) deviendra une fumeuse et une joueuse invétérée, cynique et morbide, quant à son petit frère Cyrus, il migrera aux USA où il fondera une famille de parfaits abrutis… Charmant tableau ! En ce qui me concerne, je dirais que l’effet d’antipathie à l’égard des protagonistes est renforcé par le jeu des acteurs. Ceux-ci ont pris le parti d’accentuer l’aspect théâtral en récitant leurs dialogues de manière exagérée… Ce qui a toujours eu le don de m’exaspérer ! Je ne vais pas au cinéma pour voir des acteurs déclamer leur prose de manière grandiloquente sur une toile géante, ça ne colle pas !
Un autre inconvénient du film est l’abondance de styles (film, théâtre, dessin-animé, sitcom américaine, mélodrame italien…) et de digressions temporelles, qui est mal gérée. On a l’impression que les différents éléments sont ajoutés au récit selon un rythme très précis, et qu’au final, tout le film reste sur la même cadence. Les pseudo-rebondissements se retrouvent malheureusement noyés dans la masse générale et n’arrivent pas à faire sortir le spectateur de sa douce torpeur. Qui plus est, la profusion de tiroirs dans l’histoire confère un aspect anecdotique aux souvenirs/pensées qui se greffent à la trame principale. Ce qui par conséquent, nous fait perdre de vue la finalité de ce conte pour adultes.
Tous les ingrédients étaient pourtant réunis pour faire de Poulet aux Prunes un joli conte des Mille et Une Nuits. Les décors sont sublimes, la créativité est bien présente, la poésie nourrit les images, les intentions sont louables… Mais le dosage n’est pas bon, et le résultat est un un conte neurasthénique. Difficile de ne pas s’endormir devant la toile… Certains ont d’ailleurs succombé, les ronflements qui résonnaient dans la salle en ont témoigné !
Malheureusement, je ne peux pas dire que les acteurs apportent quoi que ce soit au film. Aucun ne se démarque, tous sont… Médiocres. Décidément, film après film, je me rend compte que je n’aime vraiment pas Mathieu Amalric, je trouve à chaque fois qu’il joue comme ses pieds… Pourtant ça n’est pas faute de lui donner sa chance ! (Mais ce jugement, je vous l’accorde, reste tout à fait subjectif).
A la décharge du film, j’ai visionné Persepolis peu de temps avant de voir Poulet aux Prunes. Peut-être bien qu’inconsciemment, le second a souffert de la comparaison avec le premier… Ou peut-être, plus simplement, que la narration alambiquée des BD de Marjane Satrapi ne fonctionne que sous forme de dessin-animé et qu’elle n’est pas adaptée pour le film !
Rédacteur en chef du Vortex. Amateur de Pop-Corn.
Créateur de singularités.