Curieuse rencontre à laquelle nous convie Kim Jee-woon. Après Deux sœurs (2003), A bittersweet life (2005) et Le bon, la brute et le cinglé (2008), trois films qui ont marqué les esprits par leurs qualités esthétiques et narratives, nul doute que cette entrevue diabolique saura satisfaire les plus exigeants.
Film réalisé par Kim Jee-woon, sorti le 6 juillet 2011
Le pitch
Le film s’ouvre sur une citation de Nietzsche (“Que celui qui lutte avec des monstres veille à ce que cela ne le transforme pas en monstre. Si tu regardes longtemps au fond de l’abîme, l’abîme aussi regarde au fond de toi“) et raconte la traque d’un serial killer par l’agent secret Soo-hyun, dont la fiancée a été assassinée.
L’action
Le film joue sur l’antagonisme entre un serial killer ivre de colère et de sang et un James Bond qui assassine ses cibles en gardant la tête froide. Le célèbre “permis de tuer” de 007 se change ici en “permis de torturer” : Soo-hyun pourrait éliminer le diable dès la première demi-heure, mais il s’en garde bien. La souffrance psychologique et sentimentale éprouvée par Soo-hyun après avoir perdu sa fiancée le bouleverse au point de considérer que le diable ne mérite pas une mort rapide, mais une terrible agonie. Grâce à son entrainement au combat et ses gadgets technologiques, Soo-hyun n’est pas l’égal du diable : il le surpasse. Il peut non seulement épier ses moindres faits et gestes, mais aussi le mettre KO dès qu’il en ressent l’envie. Plus le diable croit échapper à son tortionnaire, plus l’étreinte de Soo-hyun le brise. Lorsque le diable se réveille, il est toujours perdu dans la nature et se voit victime d’handicaps supplémentaires. C’est boiteux et couvert de plaies qu’il trouve refuge chez des amis tueurs. Mais la détermination de Soo-hyun a faire du diable une proie finit par le rendre sourd au monde qui l’entoure, jusqu’à mettre en danger ses proches.
De la Corée moderne, on connaissait le film de Bong Joon-ho : Memories of Murder (2003). Mais la filiation la plus évidente de J’ai rencontré le diable demeure le cycle de la vengeance de Park Chan-wook : Sympathy for Mister Vengeance (2002), Old Boy (2003), Lady Vengeance (2005). L’ambition de Kim Jee-woon était de se hisser au niveau de Park Chan-wook et de repousser les limites du soutenable, de manière à réaliser le Vigilante Movie (film de justicier) ultime. C’est chose faite. Le spectateur est tellement tétanisé par la barbarie du diable et la cruauté implacable de Soo-hyun qu’il ne voit pas passer les 2h30. Au sadisme de l’un répond le masochisme de l’autre. On regarde avec ahurissement la destruction morale de Soo-hyun, prisonnier du cercle de violence initié par le diable.
Rédacteur en chef du Vortex. Amateur de Pop-Corn.
Créateur de singularités.