Le vrai “Bronson”, M. G. Peterson, a écrit plusieurs best-sellers, dont un recueil de poèmes. Sa reconversion de prisonnier en artiste constitue une réussite : ses peintures sont exposées dans le monde entier. Mais aussi grand soit le pouvoir catalyseur de l’art, M. G. Peterson peut-il réellement trouvé la paix après toute la fureur dont il a su faire preuve? La réponse du film laisse perplexe.
Film réalisé par Nicolas Winding Refn, sorti en 2009
Le pitch
Michael Gordon Peterson est un jeune Anglais tout à fait ordinaire. Le problème, c’est qu’il à l’impression de passer à côté de sa vie, de rater les plaisirs vécus par les grands de ce monde. Il aspire à la célébrité, mais il ne dispose malheureusement d’aucun talent qui lui garantirait de devenir un phénomène médiatique et de connaitre une gloire fulgurante.
Les années passent, rendant d’autant plus insupportable le sentiment d’inutilité et la frustration d’un quotidien figé. Si bien qu’il décide de passer à l’acte dans l’urgence, de briser les chaînes de la normalité un beau jour de 1974. Il bricole rapidement son fusil de chasse et s’empresse de braquer la première banque qu’il croise. Il abandonne femme, travail et foyer pour récolter… 26 livres sterling (30€) ! Il est immédiatement arrêté et condamné à 7 ans de prison. Il devrait donc être libre depuis longtemps.
En fait, M. G. Peterson a trouvé sa place. Etant heureux en prison, il aggrave sa peine à chaque veille de libération. Il a cumulé à ce jour 35 années d’emprisonnement. Le paradoxe est qu’aucun délit de grande envergure ne justifie ce si long séjour. M. G. Peterson n’est pas fou, il n’a tué ni violé personne. Mais son désir d’être une star, d’être considéré comme « le prisonnier le plus dangereux d’Angleterre » ruine toute tentative de réhabilitation dans la société. Comme son modèle, Charles Bronson dans film Le Bagarreur de 1975, M. G. Peterson boxe à main nue. Son comportement ultraviolent avec les gardiens de prison, ou tout homme symbolisant l’ordre, lui accorde enfin le statut de star.
L’action
Le film raconte cette lente découverte de soi, de combat en combat et de prison en prison. L’acteur, Tom Hardy, est stupéfiant de réalisme. L’esthétisation de la violence, les rapports masochistes et l’érotisation du corps de Bronson sont au cœur du film. Les gardiens, à la fois victimes et bourreaux, peuvent faire subir n’importe quel traitement au corps de Bronson sans jamais pouvoir l’empêcher de se régénérer. Les expériences les plus extrêmes, les chocs les plus durs agissent comme des réponses à la quête d’identité de M. G. Peterson. Ne pas mourir des coups reçus au combat le rend à chaque fois plus fort, et vient lui confirmer qu’il se rapproche du but. Il veut aller jusqu’au bout, aucune blessure ne semble assez grave pour pouvoir satisfaire son œuvre de destruction-révélation.
Bronson est une réussite sur la forme, même s’il souffre de certaines longueurs. Sur le fond, on peut reprocher au réalisateur son manque de parti pris : « Je refusais de faire une extravagance à la Hollywood, et pas davantage un biopic fidèle, même s’il était important de ne pas trahir l’histoire de cet homme. Et puis j’ai fini par trouver le truc : la métaphore, c’est qu’il faut rester dedans. Ne pas en sortir. A tout prix ». Mais la métaphore a ses limites : le film ne dénonce pas le système carcéral qui conduit à changer un type banal en fauve assoiffé de sang. Le film n’est pas non plus une hagiographie à la Mesrine (le cercle dans lequel est tombé M. G. Peterson est décidément trop vicieux pour qu’il suscite l’empathie). On se trouve coincé dans la tête de M. G. Peterson du début à la fin du film, comme il l’est lui même entre les murs de sa prison.
Le style théatrâl des conversations de M. G. Peterson avec lui-même finit par lasser. On en viendrait à décrocher jusqu’au moment où le fauve cesse soudainement de jouer avec la mort. Il redevient lui-même, affirme sa personnalité dans des œuvres d’art en prison. Après avoir incarnée pendant trente ans une machine à écraser chaque visage humain passant à proximité, il comprend que l’art est désormais sa raison de vivre. Le réalisateur explique : « Bronson et moi n’avons pas beaucoup d’options pour nous exprimer. Lui avec cette incroyable énergie physique, avec ce corps dont il finit par faire de l’art. Moi avec les images. J’ai découvert récemment que je pouvais contrôler mes angoisses, mes peurs, mes terreurs par les images. Un peu comme les maintenir dans une cage. Nous avons tous besoin, je crois, de laisser sortir la bête de temps en temps. Mais nous vivons à une époque et dans une société où il est impossible ou mal perçu de laisser libre cours à ces sentiments qui ne sont pas bien-pensants. Le truc, c’est de savoir comment le sortir, l’exprimer. Il y a une part d’exorcisme dans ce processus. Mais c’est plus compliqué qu’un exorcisme qui soulage ou soigne. Cela peut détruire aussi. Mais cet aspect destructeur est, du moins en ce qui me concerne, un carburant. Quelque chose qui nourrit ma pensée et mon expression ».
Note finale : 07/10
Un film coup de poing, certes, mais on en demandait quand même un peu plus. Ceux qui s’attendent à des kilos de violence seront déçus. Ceux qui exigeaient une réflexion sur l’impasse du système carcéral seront également sur leur faim. Reste l’incroyable destin de « Bronson » et ce thème musical obsédant : Digital Versicolor.
Rédacteur en chef du Vortex. Amateur de Pop-Corn.
Créateur de singularités.